Carte Blanche FNIB-ACN

L’assistant de pratique, ou comment le Ministre Vandenbroucke méconnaît une fois de plus le rôle infirmier…

La FNIB et l’ACN réagissent:

 

Carte blanche


L’assistant de pratique, ou comment le Ministre Vandenbroucke méconnaît une fois de plus le rôle infirmier


En tant qu’associations qui représentent, défendent, forment et informent les praticiens de l’art infirmier, l’Association belge des Praticiens de l’Art infirmier (acnasbl) et la Fédération Nationale des Infirmières de Belgique (FNIB) souhaitent réagir à la création par le ministre de la Santé publique de la fonction d’assistant de pratique et à sa manière de présenter cette dernière dans la presse
1.

Les deux organes de concertation représentant la profession infirmière, le Conseil Fédéral de l’Art Infirmier (CFAI) et la Commission Technique de l’Art Infirmier (CTAI qui comprend aussi des médecins en son sein), s’étaient positionnés contre la création de cette fonction dans un avis consolidé2. Reconnaissant la nécessité d’un soutien aux médecins généralistes, ils avaient proposé des alternatives. Cet avis n’a cependant pas été suivi par le Ministre Vandenbroucke.

L’acn et la FNIB souhaitent réagir à l’annonce de la création de cette nouvelle fonction dans les médias par le Ministre Vandenbroucke luimême. En effet, son communiqué de presse souligne, parmi les avantages de la création de cette fonction, la possibilité de lutter contre la pénurie de soignants en précisant que « grâce à l’organisation de formations passerelles vers d’autres professions des soins, par exemple, un assistant de pratique pourra également évoluer beaucoup plus rapidement vers la profession d’infirmier. » En parallèle, le Ministre, lors de ses interviews télévisées, a mentionné à plusieurs reprises et avec insistance le caractère simple des prestations techniques qui pourront être réalisées par l’assistant de pratique.

Monsieur Vandenbroucke considèretil par conséquent que l’art infirmier consiste principalement en l’exécution de prestations techniques (plus ou moins simples) et que, une fois cellesci acquises, il soit possible de devenir « beaucoup plus rapidement » infirmier ? Au vu de ces propos tenus publiquement par notre ministre de tutelle, il nous semble important de repréciser ce qu’est un infirmier, et pourquoi nous nous opposerons avec force à tout « accès rapide à la profession » d’une personne ayant le profil de l’assistant de pratique.
Un infirmier est un professionnel de la santé qui a une vision globale de la santé et de la personne. Cette vision lui permet d’accompagner la personne soignée (et sa famille, un groupe de personnes, voire la population) dans son expérience de santé et de vie de manière à permettre à cette personne d’atteindre le meilleur état de santé possible telle qu’ellemême le conçoit.

Bien sûr, l’infirmier collabore aussi avec le médecin : grâce à ses observations et à certaines prestations techniques, il soutient le médecin dans la détermination du diagnostic et la mise en œuvre du traitement. Il va aussi, et peutêtre même surtout, veiller à ce que la personne, dans une telle situation, comprenne son traitement et l’intègre au mieux dans son quotidien pour vivre une vie qu’elle estimera de qualité. Il va également gérer d’autres problèmes de manière autonome, par exemple : s’assurer que la personne puisse retourner dans de bonnes conditions à son domicile si elle est hospitalisée, l’accompagner dans un changement de rôle social tel qu’une incapacité à s’occuper d’une personne dont elle s’occupait auparavant,
une difficulté avec son image corporelle, etc.
Et il va réaliser cela non pas grâce à son « bon cœur » mais en se basant sur des connaissances scientifiques pointues issues de divers domaines, dont les sciences infirmières. Un infirmier est donc un professionnel qui a de grandes compétences techniques, bien sûr, mais également scientifiques, éthiques et relationnelles ; et qui a des compétences propres liées à sa vision de la personne et de la santé et aux sciences infirmières.
Pour toutes ces raisons, l’affirmation non concertée préalablement auprès de la profession du Ministre Vandenbroucke qu’un assistant de pratique pourrait « évoluer beaucoup plus rapidement vers la profession d’infirmier » nous semble (1) donner de faux espoirs aux personnes qui envisageraient un tel parcours professionnel ; (2) démontrer une méconnaissance des réalités de la profession infirmière ; et (3) être insultante envers ses membres.
De plus, le ministre affirme qu’en créant cette profession, le
personnel infirmier pourra « faire des carrières longues et durables, avec un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée ». C’est ignorer que les postes d’infirmiers en consultation sont directement menacés : il est tentant de les remplacer par des assistants de pratique moins bien formés et moins payés. Or ces postes sont souvent occupées par des collègues infirmiers qui, pour des raisons personnelles (enfants en âge scolaire, etc.) ou médicales occupent ces fonctions. Le ministre espèretil les forcer à retourner travailler dans des services qu’ils et elles ont quittés ? Nous risquons surtout de les voir quitter prématurément et définitivement la profession. Tout ceci
au détriment de la qualité de vie au travail des infirmiers et de la qualité des soins.

La présente carte blanche est une occasion de rectifier l’image donnée depuis des mois par le ministre à notre profession, tellement utile auprès du public, et de remercier les professionnels de l’art infirmier pour l’excellence et l’importance de leur travail et de leur engagement. Elle est également l’occasion de rappeler au Ministre Vandenbroucke que les infirmiers sont davantage que des bras, et que chaque acte infirmier posé est le fruit du raisonnement d’un professionnel hautement qualifié !
Les infirmiers souhaitent faire l’objet d’une concertation, et pas uniquement de façade ou par obligation, avant toute décision qui les impactent, et apprécieraient surtout de voir leur avis pris en compte ou tout du moins comprendre les raisons pour lesquels il n’est pas suivi.

À la veille d’importantes élections dans notre pays, nous souhaitons rappeler ceci à l’ensemble des partis politiques, et ne manquerons pas d’examiner avec beaucoup d’attention les programmes des uns et des autres pour ce qui concerne la santé et les soins infirmiers.

Contacts :

Olivier Gendebien, Président de l’Association belge des praticiens de l’art infirmier (acn asbl)
olivier.gdbbxl@gmail.com
0497 55 13 31
Dan Lecocq, Président de la Fédération nationale des infirmiers de Belgique (FNIB)

Résumé
Le Ministre Vandenbroucke annonce la création de l’assistant de pratique, fonction contre laquelle les
infirmiers se sont positionnés. Lors de cette annonce, il indique en outre que ces personnes pourront
devenir « beaucoup plus rapidement » infirmiers.

L’art infirmier est pratiqué par des professionnels hautement qualifiés, longuement formés en diverses
sciences et techniques, titulaires de compétences variées et pointues, et ne peut en aucun cas se résumer à
l’exécution d’actes techniques. Ces professionnels, par leur vision unique de la santé et de la personne
soignée, sont à même d’être des acteurs de changement et de solution s’ils sont concertés et réellement
écoutés avant les décisions qui les concernent.

Par ses propos, le Ministre Vandenbroucke (1) donne de faux espoirs aux personnes qui envisageraient un
parcours professionnel d’assistant de pratique menant rapidement à une fonction d’infirmier ; (2) démontre
une méconnaissance des réalités de la profession infirmière ; et (3) est insultant envers ses membres.

Les associations professionnelles acn et FNIB souhaitent rectifier l’image de cette profession importante, et
rappeler au ministre et aux partis politiques que leur voix doit être prise en compte.

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